Élaboration et validation d'outils d'évaluation de la fatigue pour l'autisme

Consultez les appels à participation : pour chacun de nos travaux, des compétences spécifiques sont recherchées.
Actuellement, le groupe de recherche travaille sur plusieurs questionnaires d’évaluation de la fatigue cognitive chez les personnes autistes.
Traduction française et adaptation du Mental Fatigue Scale
Contexte
Le Mental Fatigue Scale (MFS ; Johansson et al., 2010) est une échelle d’évaluation de la fatigue mentale (ou cognitive ou cérébrale), destinée aux adultes. L’outil est validé en anglais et en suédois, et a également été traduit et adapté pour plusieurs populations :
→ Adultes « sains » (i.e. sans trouble ou maladie spécifique).
→ Adultes présentant des affections ou accidents neurologiques, notamment : AVC, sclérose en plaque et paralysie cérébrale.
La version originale (en anglais) de l’échelle est consultable ici : lire >>
Travail du groupe de recherche
Le MFS étant l’un des rares outils validés à s’intéresser spécifiquement à l’évaluation de la fatigue mentale, le groupe de recherche l’a collaborativement traduit en français puis adapté pour une population adulte autiste. Les adaptations faites concernent majoritairement la désambiguisation de certains termes, la reformulation de certaines questions ou options de réponses, ainsi que l’ajout d’exemples, consultables au besoin, lorsque les membres du groupe ont jugé qu’une phrase (question ou proposition de réponse) pouvait être difficile à comprendre ou incorrectement interprétée.
L’objectif est de faire valider cette échelle traduite et adaptée. Pour cela, l’outil doit être complété par un très grand nombre de répondants autistes adultes, en France, et leurs résultats doivent également être comparés à ceux de deux échantillons de taille comparable : des adultes sains (sans trouble de santé ou condition neurologique) et des adultes présentant un trouble du neurodéveloppement (TND) qui ne soit pas de l’autisme.
Idéalement, adultes autistes et adultes présentant d’autres TND seront « recrutés » via les réseaux institutionnels (en particulier les CRA pour garantir la validité de leur diagnostic, une condition indispensable pour valider une échelle dans une population clinique précise).
Préoccupation méthodologique
En cas de recrutement trop limité via les réseaux institutionnels (difficulté d’accès, faible taux de réponse, …), il est possible d’accroître la quantité de répondants en passant par un recrutement en ligne : dans ce cas, l’appel à participation est diffusé largement sur les réseaux associatifs, médias sociaux, etc. pour être vu par le plus grand nombre et augmenter ainsi le nombre de réponses. Toutefois, ce type d’études en ligne comporte des biais importants, dont l’un des principaux est l’absence de contrôle des profils de répondants. En effet, celles et ceux qui répondent en ligne ne sont pas nécessairement représentatifs de la population étudiée, et il est très difficile de vérifier la fiabilité des informations transmises, notamment celles relatives à leur(s) diagnostic(s).
Pour tenter de minimiser ces biais, le groupe a également conçu une fiche de renseignements, à compléter par le répondant à la suite de l’échelle. Il s’agit d’une condition indispensable pour que ses réponses soient prises en compte.
Le document permet de renseigner (tout en préservant l’anonymat de la personne) des informations relatives au diagnostic (en CRA, libéral, auto-diagnostiqué), aux éventuelles comorbidités associées, à la situation professionnelle, aux accompagnements divers, etc. Bien qu’insuffisante, cette mesure permet à défaut de nuancer les résultats en fonction des profils et de souligner les intérêts et les limites d’une telle étude.
L’étude devrait être lancée fin 2023 / début 2024. Pour être informé(e) de son démarrage, vous pouvez vous abonner à la newsletter du LAPÉFA.

Pour en savoir davantage sur les biais d’échantillonnage des études en ligne sur l’autisme, vous pouvez consulter les articles suivants (en anglais) ou lire le résumé traduit en français, dans sa version académique ou simplifiée :
- Représentativité des échantillons de personnes autistes dans les études recrutant via les médias sociaux, Rodgaard et al. (2022) :
La recherche basée sur les enquêtes impliquant un recrutement en ligne est un moyen pratique pour obtenir de larges échantillons et son recours s’est récemment accru dans le milieu de la recherche dans l’autisme. Cependant, les échantillons obtenus via ces canaux en ligne peuvent être associés à un risque important de biais d’échantillonnage. Cela peut conduire à des résultats qui ne sont pas généralisable à la population autiste. Ici, nous [les auteurs] examinons des études sur l’autisme qui ont utilisé le recrutement via les médias sociaux pour repérer des biais d’échantillonnage.
La plupart des études présentaient un ou plusieurs indicateurs de biais d’échantillonnage, sous les formes suivantes : sex ratio inversé, taux d’emploi supérieur, niveau d’études supérieur, proportion moindre d’individus avec un handicap intellectuel, et âge de diagnostic plus tardif que celui attendu en comparaison avec les populations autistes représentées dans les recherches publiées.
Les résultats de la plupart des études incluses ici sont donc difficiles à généraliser à la population autiste plus large. Des suggestions d’adaptation des stratégies de recherche pour répondre à ces problèmes sont discutées.
(Traduction libre : M. Aubineau)
Les enquêtes en ligne offrent un moyen pratique de recruter un grand nombre de participants pour la recherche dans l’autisme. Cependant, les échantillons qui en résultent peuvent ne pas refléter réellement la population autiste. Dans cet article, nous avons examiné les échantillons de 36 études sur l’autisme ayant recruté des participants en ligne et nous avons trouvé que leur composition démographique tendait à dévier de celle de la population autiste reportée d’ordinaire dans les recherche précédentes. Les résultats peuvent donc ne pas être généralisables à l’autisme en général.
(Traduction libre : M. Aubineau)
- #Biais : Les opportunités et défis des études qui recrutent et collectent des données d'adultes autistes en ligne, Rubinstein & Furnier (2021) :
Les études en ligne par Internet sont un outil crucial pour les chercheurs, afin d’en apprendre davantage sur la population des adultes autistes, sous-étudiée et souvent négligée. Le recrutement et la passation d’enquêtes en ligne peuvent s’avérer moins cher, plus courant et permettre d’atteindre une cible plus large, comparativement aux méthodes en personne, plus traditionnelles. Avec la démocratisation des enquêtes en ligne, il est important de replacer les forces dans le contexte des limitations et des biais qui peuvent survenir lorsque l’on recrute ou conduit des sondages en ligne.
Dans ce optique, nous [les auteurs] discutons deux problèmes couramment retrouvés dans les études qui utilisent des outils en ligne pour recruter et réaliser des sondages auprès de volontaires adultes autistes et non autistes : le biais de sélection et l’identifiabilité de l’échantillon.
Le biais de sélection est une distorsion de l’estimation des effets (ex : risque relatif, rapport bénéfice/risque, taux d’incidence) qui résulte des facteurs qui influencent pourquoi une personne choisit de participer ou comment le chercheur recrute et sélectionne les participants dans une étude.
L’identifiabilité de l’échantillon est la capacité (ou incapacité) à quantifier et à définir la population d’intérêt. Nous utilisons pour exemple de cas une enquête en ligne sur les idées suicidaires des adultes autistes et nous décrivons comment ces problèmes de biais de sélection et d’identifiabilité de l’échantillon surviennent et peuvent constituer des défis particuliers pour l’étude des adultes autistes. Nous concluons avec des recommandations pour améliorer la qualité et l’utilité des enquêtes de recherche en ligne dans cette population. Utiliser des ressources en ligne pour recruter et collecter des données sur les adultes autistes est un outil exceptionnel à fort potentiel : pour autant, les auteurs doivent prendre en considération les limites, les éventuels biais et les outils existant pour dépasser les erreurs systématiques, à chaque étape de l’étude.
(Traduction libre : M. Aubineau)
Quel est l’objectif de cet aticle ?
Notre objectif était de décrire les difficultés pour conduire et analyser des données issues d’enquêtes en ligne par des adultes autistes recrutés en ligne.
De quelles connaissances disposons-nous déjà sur le sujet ?
L’étude de l’état de santé des adultes autistes est sous-explorée dans plusieurs domaines essentiels de la recherche en autisme. Alors que les chercheurs s’intéressent aux résultats chez les adultes autistes, ce type de recherche est difficile car de nombreux adultes autistes ne sont pas diagnostiqués officiellement, et ne sont donc pas disponibles pour les études lors de recrutement via les registres des cliniques. De plus, la participation à une étude peut être un processus long, peu pratique et stressant. Il n’est donc pas surprenant que les enquêtes en ligne auprès d’adultes autistes deviennent un outil populaire pour interroger cette population. Nous voulions offrir un aperçu et des recommandations concernant ces problématiques aux chercheurs et aux personnes qui lisent des recherches traitant des adultes autistes.
Quels sont les points de vue des auteurs ?
Nous sommes des épidémiologistes de l’université de Boston et de l’université de Wisconsin-Madison. Nous menons tous les deux des recherches centrées sur l’amélioration de la santé et du bien-être des personnes autistes tout au long de la vie. En tant que personnes étudiant les méthodologies de recherche, nous avons constaté que de nombreuses recherches récentes utilisaient la méthodologie d’enquêtes. Cette recherche est intéressante mais bien trop souvent les articles nécessitent davantage d’informations pour que l’on puisse s’assurer que la recherche est de grande qualité. Nous voulons partager des moyens pour améliorer ce type de recherches et aider les personnes à comprendre les forces et les limitations de la recherche d’enquête en ligne.
Que recommandent les auteurs ?
Nous proposons quelques considérations pour les chercheurs travaillant dans ce domaine :
- Présenter les étapes que vous avez suivi pour réaliser la recherche aussi clairement que possible ;
- Être spécifique sur quelle population vous envisagez d’étudier et quelle population vous avez effectivement étudiée ;
- Présenter les caractéristiques et informations démographiques des participants ;
- Si possible, envisagez d’utiliser des méthodes d’analyse des données qui prennent en compte les biais de sélection et les problématiques d’identifiabilité de l’échantillon ;
- Ne faites pas d’affirmations qui ne sont pas étayées par vos résultats de recherche ;
- Admettez que nous sommes au début des études sur les adultes autistes ;
- Préconisez davantage de financements pour la recherche sur les adultes autistes.
Comment ces recommandations vont aider les personnes autistes maintenant et dans le futur ?
Les études en ligne sont un outil important pour les chercheurs pour générer des hypothèses et entrer en contact avec un spectre plus large de participants. Néanmoins, les études en ligne présentent des défis méthodologiques bien spécifiques. Nous espérons que cette mise en perspective permette de sensibiliser à la problématique des biais et des mésinterprétations dans les enquêtes en ligne, et que les chercheurs continuent à produire des travaux valides et avec du sens, qui sont cruciaux pour améliorer la vie des adultes autistes.
(Traduction libre : M. Aubineau)
Révision d'un questionnaire d'évaluation de la fatigue chez les étudiants autistes
Contexte
Suite à l’étude pilote menée en 2021 par M. Aubineau pour élaborer une première version de questionnaire d’évaluation de la fatigue cognitive chez les étudiants autistes, celui-ci est en cours de révision par le groupe de recherche.
Travail du groupe de recherche
L’objectif est de s’appuyer sur les résultats et les feedbacks des étudiants pour produire une version améliorée et réduite de l’outil, qui puisse être administrée à un échantillon plus large d’étudiants autistes, non autistes et présentant un TND hors autisme afin de valider le questionnaire.
Le but, à moyen-terme, est de proposer un outil validé d’évaluation de la fatigue cognitive, pour le milieu scolaire spécifiquement (enseignement secondaire et supérieur). Idéalement, il s’agirait d’un questionnaire pouvant être facilement complété par l’étudiant, de manière régulière selon les besoins, et pouvant aiguiller l’équipe accompagnante et l’étudiant sur les éventuels ajustements à mettre en place en milieu scolaire. Un tel outil investiguant les sources de fatigue, son intensité et sa fréquence, ainsi que ses répercussions sur les différentes sphères de fonctionnement du jeune, pourrait s’avérer fort utile pour prévenir les risques d’épuisement durant cette période de vulnérabilité accrue (Aubineau, 2022 ; McLaughlin & Rafferty, 2014 ; Toor, Hanley, & Hebron, 2016).
Enfin, disposer d’un outil d’évaluation de la fatigue cognitive validé en milieu scolaire présenterait d’autres bénéfices directs :
- Pour l'équipe enseignante et d'accompagnement au handicap : avoir accès à une représentation précise des répercussions de la fatigue sur les différents aspects scolaires favoriserait probablement le sentiment d'auto-efficacité ainsi que le dialogue avec l'étudiant, sur les moyens à mettre en place pour l'accompagner au mieux (Aubineau, 2017 ; Martin, 2006 ; Toor et al., 2016).
- Pour l'étudiant : pouvoir s'auto-évaluer, prendre conscience de sa fatigue et des répercussions sur sa scolarité (mais également au niveau social, familial, cognitif, etc.) favorise l'empowerment, lui permet de mieux connaître ses forces, ses faiblesses et les facteurs de risque, et d'agir en amont pour prévenir autant que possible les risques d'épuisement. De plus, la meilleure compréhension de son diagnostic et de son fonctionnement facilite les échanges avec l'institution en lui permettant d'expliquer et de communiquer sur ce dont il a ou non besoin (Mitchell et Beresford, 2014 ; Tobias, 2009).
références bibliographiques
Aubineau, M. (2022). Caractérisation et évaluation de la fatigue cérébrale chez les étudiants autistes : élaboration d’un questionnaire en recherche participative. Science et Comportement, 32(3), 93-110.
Aubineau, M. (2017). Vécu de l’inclusion scolaire au secondaire des élèves ayant un trouble du spectre de l’autisme: regards croisés des adolescents et de leurs parents, en France et au Québec. Thèse de doctorat, Université de Toulouse. Toulouse : France.
Martin, N. (2006). Strategies which increase the likelihood of success at university of students with Asperger’s syndrome. Good Autism Practice, 7(2), 51-60.
McLaughlin, S., & Rafferty, H. (2014). Me and ‘It’: Seven young people given a diagnosis of Asperger’s Syndrome. Educational & Child Psychology, 31(1), 63-78.
Mitchell, W., & Beresford, B. (2014). Young people with high‐functioning autism and Asperger’s syndrome planning for and anticipating the move to college: what supports a positive transition?. British Journal of Special Education, 41(2), 151-171.
Tobias, A. (2009). Supporting students with autistic spectrum disorder (ASD) at secondary school: a parent and student perspective. Educational Psychology in Practice, 25(2), 151-165.
Toor, N., Hanley, T., & Hebron, J. (2016). The facilitators, obstacles and needs of individuals with autism spectrum conditions accessing further and higher education: A systematic review. Journal of Psychologists and Counsellors in Schools, 26(2), 166-190.