La fatigue est tellement une construction à multiple facettes qu’elle a engendré des champs de recherche spécifiques et des experts dans des domaines aussi différents que la physiologie de l’exercice, la psychologie cognitive, les facteurs humains et l’ingénierie, ou la pratique médicale. Il n’existe aucun consensus quant à sa définition, et cela constitue un manque : Il s’agit d’un concept expérimental, d’un symptôme, d’un risque, d’une cause (e.g., de baisse de performance) et d’une conséquence (e.g., de la privation de sommeil). Cette fragmentation des connaissances mène une plus lente diffusion de nouvelles compréhension éclairées et, partant, à une recherche de moindre qualité. En effet, ce qui peut sembler être un résultat nouveau dans un domaine peut très bien relever d’une vieille information dans un autre, ce qui fait de cette « innovation », l’équivalent scientifique des nouveaux vêtements de l’empereur¹ . En fait, plutôt que de se centrer sur les différences de sémantique et de conceptualisation, nous espérons que l’identification de concepts communs pourra faciliter la recherche multidisciplinaire. En considérant la vaste étendue des recherches sur la fatigue dans tous les champs identifiés comme pertinents à la science cognitive, la physiologie de l’exercice et la pratique médicale, cette analyse n’a pas l’ambition d’être une revue exhaustive dans tous les domaines. Nous avons passé en revue les concepts de et les recherches sur la fatigue dans ces champs et rapporter ceux utilisés pour décrire le modèle général proposé à explorer davantage. La caractéristique la plus prometteuse à la science cognitive, la physiologie de l’exercice et la pratique clinique est la notion d’« effort perçu. » Celle-ci permet d’expliquer les différences interindividuelles, aussi bien que les variations situationnelles dans la fatigue. Elle s’applique aussi bien pour le construit physique que le mental. Elle intègre les dimensions émotionnelle et motivationnelle. Elle surmonte les polémiques actuelles dans divers domaines de recherche et ne fait appel à aucune ambiguïté sémantique. Nous proposons donc un nouveau modèle de fatigue et de performance, que cette performance soit mentale ou physique, et qu’elle se situe dans une fourchette clinique ou qu’elle soit liée à un fonctionnement optimal.